L’ours brun : un omnivore opportuniste

L’ours brun (Ursus arctos) est une espèce unique qui comprend plusieurs sous-espèces selon les régions. L’ours des Pyrénées appartient à l’une des plus anciennes lignées européennes, contrairement au grizzli d’Amérique du Nord, plus récent.

Caractéristiques

Un ours brun mesure de 1,70 m à 2,20 m debout, et pèse entre 140 et 320 kg pour les mâles, 100 à 200 kg pour les femelles. Son pelage varie du brun clair au noir, selon l’âge, la saison ou l’individu. Dans les Pyrénées, il est souvent foncé en automne et plus clair en été.

Il a une ouïe fine, un excellent odorat, mais une vue limitée à quelques dizaines de mètres. De décembre à mars, l’ours entre en pause hivernale : il ralentit son activité, sort peu, mais ne dort pas totalement.

 Un omnivore adaptable… mais aussi prédateur

L’ours brun est omnivore opportuniste : il mange ce qu’il trouve facilement.
Son régime alimentaire se compose de 70 % de végétaux (herbes, fruits, glands…), et 30 % d’aliments d’origine animale (insectes, faune sauvage, bétail).
Au printemps, il consomme surtout des végétaux, mais en été, il attaque régulièrement le bétail en estive, notamment dans les Pyrénées

Fiche d'Identité de l'Ours
Ours

Extrait de la plaquette « Les Pyrénées avec l’Ours » – DREAL Occitanie

LE SAVIEZ-VOUS ?

Des moyens considérables sont déployés pour assurer le suivi de la population des ours bruns des Pyrénées : l’équipe « Ours brun », basée à Toulouse, avec ses 15 agents, et 450 bénévoles, relève la présence des animaux grâce à des traces, des observations, des poils mais aussi des vidéos ou photographies, sur environ 60 circuits, grâce à de nombreuses caméras postées sur des arbres.

Aujourd’hui, plus de 90% de la population ursine se concentre dans les Pyrénées ariégeoises.

La population

L’ours brun dans les Pyrénées : une présence imposée, une population en expansion

Depuis le Moyen Âge, l’activité humaine en plaine a naturellement repoussé l’ours vers les zones de montagne. Présent historiquement sur une grande partie du territoire français, l’ours brun a vu sa population se réduire progressivement au XXe siècle, jusqu’à ne subsister que dans les Pyrénées à partir des années 1940.

Dans les années 1990, l’État a décidé de réintroduire l’ours dans les Pyrénées, sans le consentement des populations locales, ni des éleveurs.

  • En 1996 et 1997, 3 ours slovènes sont relâchés.
  • Puis 5 autres en 2006, 1 en 2016, et encore 2 en 2018.

Une population en forte croissance[1]

Ces réintroductions ont relancé la dynamique de l’espèce :

  • En 2019, on comptait 52 individus.
  • En 2023, au moins 90 ours ont été recensés.
  • En 2024, l’OFB estime leur nombre au minimum 96 individus, dont 13 portées totalisant 22 oursons.

Sur les 96 individus détectés :

  • 46% l’ont été uniquement en France,
  • 26% uniquement en Espagne ou en Andorre
  • et 28% de part et d’autre de la frontière.

Tous les animaux n’étant pas systématiquement détectés chaque année, le chiffre de 96 est donc un minimum. La population totale pyrénéenne est évaluée à 104 individus, avec un intervalle de crédibilité compris entre 97 et 123 individus. Cette estimation est basée sur des modèles statistiques développés en collaboration entre l’OFB et le CNRS.[2]

Le taux d’accroissement annuel moyen de la population est évalué à +11 % entre 2006 et 2023, ce qui correspond à un doublement de la population tous les six ans.

Une extension territoriale préoccupante mais qui reste concentré

L’aire de répartition de l’ours brun dans les Pyrénées s’étend aujourd’hui sur 7 200 km², soit une surface 3,5 fois plus grande qu’en 1996.
Les deux noyaux isolés identifiés au début des années 2000 sont désormais connectés, et la présence de l’ours progresse régulièrement vers l’est, l’ouest et le sud de la chaîne.

Depuis 2021, la surface occupée par l’espèce continue de s’élargir :

  • +600 km² par rapport à 2021
  • +1 400 km² par rapport à 2022

Cette progression rapide s’explique principalement par des mouvements de dispersion de jeunes mâles qui explorent de nouveaux territoires en dehors des zones historiques.

Cette expansion n’est pas sans conséquences. Elle se fait aux dépens des activités humaines, notamment de l’élevage extensif, qui repose sur la liberté de déplacement des troupeaux en estive.

Une décision politique attendue… enfin annoncée

Le 14 janvier 2020, lors d’une rencontre avec des éleveurs à Pau, le président Emmanuel Macron a annoncé l’arrêt des réintroductions d’ours dans les Pyrénées.
Cette décision s’appuie sur le fait que la population est en bonne santé, et continue de croître naturellement.

Une prédation en forte hausse depuis 2016

Entre 2006 et 2016, le nombre d’attaques d’ours sur les élevages restait relativement stable, avec une moyenne d’environ 140 attaques par an.
Mais à partir de 2016, on observe une forte augmentation, avec en moyenne +95 attaques supplémentaires chaque année sur l’ensemble du massif. La prédation de l’ours prend de l’ampleur et devient de plus en plus préoccupante pour les éleveurs.

En 2019, sur le versant français des Pyrénées, 349 attaques ont été attribuées à l’ours, entraînant 1 173 animaux tués ou blessés. Ces chiffres sont vraisemblablement sous-estimés, car certains dégâts non clairement attribués à l’ours n’ont pas été comptabilisés.

Le nombre de victimes reste globalement stable. En 2024, 324 dossiers ont été classés « responsabilité ours non écartée », ce qui signifie qu’un ours a été identifié comme responsable ou que sa responsabilité n’a pas pu être exclue. Ces dossiers ont conduit à l’indemnisation de 636 animaux et ruches, selon le barème réglementaire.

En parallèle, 144 dossiers ont été enregistrés avec une cause de dommage indéterminée. Toutefois, 89 de ces dossiers ont été indemnisés après examen par la commission départementale, qui peut tenir compte d’éléments contextuels lorsqu’un doute raisonnable sur l’implication d’un prédateur existe.

Les dégâts des ours

Les dégâts de l’ours

Au 31 décembre 2024, l’ours c’est :

Source : DREAL Occitanie

324 constats indémisables ou en cours d’instruction

783 animaux tués et indemnisés

7,6 M€ de dépenses publiques

78% des attaques concentrés en Ariège (09)

Les dégats de l'ours

Foyers de prédation : une concentration sur quelques zones

En 2024, 20 estives ont été classées comme foyers de prédation, dont 8 affichent une moyenne annuelle de plus de 10 attaques sur les trois dernières années.
Ces estives concentrent à elles seules :

  • 57 % des attaques recensées sur l’ensemble du massif
  • 57,7 % des victimes sur troupeaux domestiques

Dans le département de l’Ariège uniquement, ces foyers de prédation représentent :

  • 77,9 % des attaques
  • 76,1 % des victimes locales

Le cadre juridique :  L’ours brun est une espèce strictement protégée sans dérogation

L’ours brun est protégé au niveau international et européen par les mêmes textes qui régissent le loup. Il a été classé en danger d’extinction critique en 2017 en France par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), en raison selon les scientifiques de la fragilité de la population, marquée par une faiblesse numérique dans les Pyrénées et une forte consanguinité. Ainsi, contrairement au loup, aucune dérogation de tir n’est permise pour les éleveurs français pour assurer la protection de leurs troupeaux. Au contraire, la volonté du gouvernement est de renforcer la population d’ours pour en assurer la viabilité biologique, comme en témoignent les deux réintroductions d’ourses slovènes en 2018, malgré la ferme opposition des éleveurs et des maires locaux.

LE SAVIEZ-VOUS

En 1947, l’Etat suspend les primes pour la destruction des ours en France. En 1957, la chasse à l’ours brun est interdite, mais les battues administratives perdurent jusqu’en 1973.

Puis en 1979, la France ratifie la convention de Berne. L’ours brun est alors classé « espèce protégée » au titre de la loi de protection de la nature de 1976. En 1992, ce sera la directive Habitats qui renforcera sa protection.

Un plan national qui encadre la gestion de l’espèce

Un plan national d’actions ours brun encadre la gestion de l’espèce dans les Pyrénées et établis la gouvernance du dossier, dont le pilotage est confié au préfet de la région Occitanie. Le plan actuel court de 2018 à 2028. Une feuille de route a été établie en 2019 et détaille les différentes mesures applicables.

Un des objectifs du plan est d’améliorer la connaissance de la présence de l’ours brun sur le territoire, afin de prévenir les rencontres et donc les dommages entre les troupeaux et ce prédateur. De plus, il définit les conditions de déclenchement du protocole « ours à problème », qui existe depuis 1992 et se découpe en plusieurs mesures graduelles, allant de simples tentatives d’effarouchement à l’élimination (par capture ou destruction directe) de l’animal, si le comportement atypique se maintient et dans le cas où l’animal serait particulièrement dangereux ou impossible à isoler.

A ce jour, ce protocole n’a jamais été conduit à son terme car la procédure est trop complexe pour être efficace.

LE SAVIEZ-VOUS

Ours à problème[1], en France, est « un ours ayant un comportement entraînant une situation aiguë de conflit avec l’homme ». Trois situations entraînent le classement d’un ours dans cette catégorie : un ours trop familier vis-à-vis de l’homme ; un ours anormalement prédateur ; un ours agressif envers l’homme.

[1] Définition issue Modalités de gestion d’une situation difficile d’interaction entre un ours et l’Homme – 2009, p.5.

Un dossier avec des lenteurs administratives

En juin 2022, le groupe « pastoralisme et ours » a présenté plusieurs mesures relatives à la feuille de route du dossier ours ainsi que sur la gouvernance. En juillet 2022, 6 groupes de travail sont lancés, sous l’impulsion d’un nouveau préfet référent, pour avancer sur chaque chantier relatif. En décembre 2022, le groupe « pastoralisme et ours » où les groupes de travail[1] devaient rendre leurs conclusions est ajourné. Et 4 mois après, aucune date en perspective, aucune avancée, aucune proposition… La FNO souhaite qu’à la différence des années précédentes, les réunions soient conduites à un moment où tous les principaux intéressés puissent être présents aux discussions qui décident de leur avenir et non plus quand les éleveurs et les bergers ont regagné les estives.

[1] Groupe Pastoralisme et Ours du 8 décembre 2021 : « bilan de la saison d’estive 2021 » – Préfecture d’Occitanie

Au niveau international

  • Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe ;
  • Convention de Washington du 3 mars 1973 relative au contrôle du commerce international des espèces de flore et de faune menacées d’extinction.

Au niveau européen

  • Directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

Au niveau national

  • Code de l’environnement aux articles L.411-1 et 2 et R. 411-1 à R. 411-5 ;
  • Arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des espèces de mammifères protégés sur le territoire national
  • Plan national d’actions ours brun 2018-2028

Les moyens de protection mis à la disposotion des éleveurs

Face à la prédation des ours, les éleveurs doivent mobiliser les mêmes moyens de protection que dans le cadre du loup, conformément aux protocoles reconnus et cofinancés par l’État et l’Europe. Ces mesures incluent :

  • le parcage des troupeaux (avec des clôtures électrifiées, notamment la nuit)
  • le gardiennage renforcé, avec la présence constante de bergers
  • les chiens de protection (comme les Patous ou Maremme-Abruzzes), élevés au sein du troupeau.

La mise en œuvre de ces dispositifs entraîne une augmentation significative de la charge de travail des éleveurs :

  • Le temps de travail journalier s’allonge considérablement
  • Les contraintes logistiques et humaines s’intensifient
  • Le stress lié à la surveillance constante du troupeau devient quotidien

Même avec un berger présent, les troupeaux doivent évoluer sous la protection permanente de plusieurs chiens. Ces chiens imposants, choisis pour leur capacité de dissuasion (aboiements, gabarit, aptitude à s’interposer), sont aujourd’hui indispensables face à la prédation… mais pas suffisants pour empêcher les attaques d’ours.

La généralisation de ces chiens de protection soulève également de nombreuses tensions avec les pratiquants de la montagne, de plus en plus nombreux randonneurs, vététistes et railers

Ces chiens, bien que formés, peuvent percevoir toute approche comme une menace. Leur présence génère un climat d’insécurité, notamment pour les promeneurs non avertis.

En outre, les ours, moins sensibles à la dissuasion canine, parviennent à contourner ces défenses. Les prédations continuent malgré les moyens déployés, montrant les limites des solutions actuelles et l’impasse dans laquelle se trouvent de nombreux éleveurs.

 Des conflits d’intérêt et un climat délétère

Au départ, la réintroduction des ours s’est faite dans un certain flou. Beaucoup d’habitants ne mesuraient ni les enjeux ni les conséquences que cela impliquerait pour leur territoire. La population locale, souvent peu informée, ne s’était pas encore saisie de cette question.

Mais la situation a évolué. Aujourd’hui, la majorité des habitants, y compris ceux qui ne sont pas directement liés à l’élevage, prennent conscience des impacts réels de la présence des ours dans les Pyrénées : prédation, tensions sociales, insécurité pour les usagers de la montagne…

Cette évolution crée un climat de plus en plus tendu, marqué par des conflits d’intérêt entre défenseurs de la nature et acteurs du terrain. Ce climat délétère fragilise la cohésion des territoires de montagne et soulève une question centrale : peut-on parler de coexistence sereine ?

L’effarouchement, un début de solution

L’arrêté sur les mesures d’effarouchement est primordial pour les usagers de la montagne. L’effarouchement est, aujourd’hui, la seule expérimentation intéressante en vue de contrôler les dégâts de l’ours.

Toutefois, cette mesure initiée en 2019 par les pouvoirs publics est régulièrement mise à mal par la justice administrative… Le 31 octobre 2022, le Conseil d’Etat invalidait l’arrêté d’effarouchement pris pour la saison d’estive 2021. Début Août 2022, en Ariège, les arrêtés préfectoraux autorisant l’effarouchement ont à nouveau été suspendus par le tribunal administratif. Les associations favorables à la réintroduction de l’ours s’opposent systématiquement à cette mesure de protection en suspendant l’arrêté juridiquement.

Fin mars 2023, le Ministère de la transition écologique a ouvert une consultation publique sur le projet d’arrêté. En l’absence totale de communication institutionnelle, l’information n’a tourné que dans les cercles militants intéressés par ce dossier, essentiellement pro-ours.

Début avril 2023, la Fédération nationale ovine et le Syndicat ovin d’Ariège s’insurgeaient que l’arrêté sur les mesures d’effarouchement ne soit pas encore pris. Il ne faut pas que l’arrêté soit efficient au cours de l’été comme en 2022, mais bien avant la montée en estive. Les attaques des ours sur les humains ne sont pas un fantasme, mais une réalité. Avril 2023, un jeune randonneur de 26 ans a succombé aux griffes de l’ours dans les Alpes italiennes.

Un enjeu de sécurité publique

Aujourd’hui, ni les éleveurs ni les bergers ne disposent de moyens efficaces pour protéger leur vie ou leurs troupeaux en cas d’attaque d’ours.
Les intrusions et agressions se multiplient, que ce soit : en estive ou même près des habitations et des sentiers très fréquentés par les randonneurs, cyclistes ou traileurs.

Ces incidents révèlent une véritable problématique de sécurité publique dans les Pyrénées.

Les ours issus des réintroductions slovènes n’ont plus de crainte vis-à-vis de l’homme. Leur comportement de plus en plus familier, voire intrusif, met en danger les éleveurs, les usagers de la montagne, et les riverains.

Pour qu’une cohabitation paisible soit envisageable, il est urgent que l’État reprenne la main sur la gestion de SA population d’ours. Il en va de la sécurité de tous, mais aussi de la préservation d’un climat serein et équilibré dans les vallées pyrénéennes.

Des ours de moins en moins craintifs… et de plus en plus proches

En Ariège, les témoignages se multiplient : les ours n’ont plus peur de l’homme. Leur comportement évolue et devient de plus en plus problématique pour les habitants, les bergers et les usagers de la montagne.

En 2019, à Castillon-en-Couserans, une famille découvre un ours dans son jardin, à seulement cinq minutes du centre du village. Le 16 juin, à Seix, un enfant de 9 ans filme un ours à moins de 100 mètres. Quelques jours plus tôt, un promeneur est pris en chasse par une ourse qu’il a surprise avec son petit.

Le 3 août 2021, à l’estive de l’Estremaille (Saint-Lary), un ours charge un berger. Ni les lumières, ni les chiens, ni le feu n’ont suffi à l’effrayer. Seule la cabane voisine a permis au berger de se mettre à l’abri.
Plus inquiétant encore, les brebis ne sont plus en sécurité, même à l’intérieur des bâtiments. En avril 2021, dans les Hautes-Pyrénées, un ours force la porte d’une bergerie à 50 mètres des habitations et tue un jeune bélier qu’il emporte pour le consommer à l’extérieur. Cette proximité devient inquiétante

Ces faits, de plus en plus fréquents, ravivent les peurs dans les vallées pyrénéennes. Le souvenir du drame survenu en Italie en avril 2023, où un jeune traileur a perdu la vie attaqué par un ours, reste présent dans tous les esprits.

La perte de distance entre l’homme et l’animal sauvage remet en question le modèle actuel de gestion de la population d’ours dans les Pyrénées, et souligne l’urgence d’une réponse adaptée.

Le coût de l’ours

Au moment de l’écriture du Plan National d’Action Ours Brun (PNA 2018-2026), l’Etat a estimé un coût prévisionnel total de 3,4M€ par an. Au vu de l’augmentation de la population d’ours (et du nombre d’attaques) ces dernières années, ce montant était sous-estimé. A titre d’exemple, alors que la mise en place de moyens de protection avait été estimée à 1,9 millions d’€ par an, le coût réel pour l’année 2019 s’élevait à 7,6 millions d’euros (source) soit plus de 4 fois plus !

En 2019, l’Etat a ainsi dépensé 7,6 millions d’€ pour la protection des troupeaux contre la prédation, pour le gardiennage, pour l’animation pastorale et pour des travaux d’amélioration pastorale (abris, désenclavement…)